07/06/2014

Actualités du XXIème, Auteurs du XXème

Entre élections européennes, crise de l'Ukraine, commémoration du D-Day,
les reportages et documentaires fusent et suscitent bon nombre de réflexions notamment dans les cercles familiaux. Et les enfants posent des questions...


"Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres".

Romain Gary (1914 -1980)



Je me suis contraint depuis des années (et souvent contre mon propre sentiment) à ne pas attribuer des valeurs morales aux communautés. Il n'y a pas de justice, de liberté, de courage dans un peuple alors qu'un autre en serait dépourvu: je connais et j'aime des hommes (par exemple Richard Dehmel, et même s'il me lance son encrier au visage, je ne cesserai jamais d'admirer sa colère), j'aime les langues et leurs esprits divers, mais je ne vois dans les Etats que des formes contingentes. Que suis-je par exemple ? Allemand, si nous sommes rattachés à l'Allemagne, autrichien-allemand si l'Entente nous contraint à l'indépendance, tchécoslovaque parce que mon père est un Allemand de Bohême et que nous seront peut-être annexés dès demain, juif, si les juifs deviennent une minorité nationale. Ce n'est pas un destin isolé : des millions de gens ne savent pas ce qu'ils sont aujourd'hui, les Voralbergeois seront demain des Suisses - je considère tout cela comme une farce, de même que le Reich allemand de Bismarck était à mes yeux un Etat puissant, certes, mais ne s'identifiait pas avec le monde allemand (qui n'existe que dans l'invisible, dans la langue et dans l'esprit).

Stefan Zweig (1881-1942)