Quantum oculis, animo tum procul ibit amor* ?


Quantum oculis, animo tum procul ibit amor* ?
              Sans contrepétrie aucune…

Depuis 6 mois, 1 an, 5 ans, son pays, c'était la France, l'Allemagne, la Chine, la Belgique ou l'Inde. Elle avait ses repères et ses repaires.
Aujourd'hui, elle a quitté son pays, elle est une migrante, une expatriée, une détachée, une impatriée.Bref, tout est à refaire !

Contrairement à Pénélope (avec qui elle partage toutefois l’image de la fidélité conjugale et de la vertu), restée à Ithaque à attendre Ulysse, la truffe a suivi son Super Héros. L’expatriation est une décision qui se prend au sein du cercle familial le plus restreint (oui bon, parfois, le cercle se restreint à la société de Super-Héros…).Mais ce choix va aussi atteindre (et parfois de pleine face) l’entourage, la famille proche et les amis.
 Il faut donc de solides raisons pour emprunter ce chemin de traverse et mettre des pointillés aux liens existants. Intégrer et accepter d’être absent de moments fédérateurs du lien familial.



Cette étape passée, vient l’annonce du départ qui va susciter des réactions complexes voire peu prévisibles et déroutantes : encouragements et envie “Quelle chance, profitez-en ! » incompréhension “Vous êtes complètement fous, cette destination avec trois enfants !” ou chantage affectif « tu sais que mémé a un cancer de la prostate » (la truffe, pas quiche, elle sait que c’est pas possible…)

La truffe fait face au grand saut… et fait fi de l’adage “un ami présent vaut mieux qu’un frère absent” parce que dans sa nouvelle vie, ben, elle en a pas encore d’amis (elle sait pas encore qu’elle rencontrera une amie-truffe). Le rodéo de la vie d’une femme d’expat est lancé : lune de miel, prise de conscience, désorientation, adaptation, intégration et enfin épanouissement (généralement c’est le moment que choisit Super-Héros pour annoncer une nouvelle destination). Sa vitalité en prend parfois un coup ! Et pendant qu’elle se débat avec ses phases, qu’en est-il des autres, de ceux qui sont restés ?

Prendre le large par rapport à sa patrie ce n’est pas, en effet, renoncer volontairement à ses racines, à ce qui a façonné notre être. Mais est-ce si facile de nourrir les liens, et se tenir informé ?


Grâce aux moyens de communication qui se sont énormément développés et enrichis, la truffe, elle est bien loin de Pénélope (avec qui elle partage encore l’image de la fidélité conjugale et de la vertu). Avec l’avènement d’Internet, des réseaux sociaux, le développement des forfaits téléphoniques, la possibilité de rester en contact est aisée.

Néanmoins, pour paraphraser Verlaine dans “Mon rêve familier”, la truffe n’est chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre (mais reste truffe). Et raconter à ses amies qui n’ont pas bougé et qui souvent travaillent, ses affres du « rodéo de l’expat », c’est à coup sûr se prendre un missile en pleine face (vous nous direz, chacun son tour…) nourri d’incompréhension.
Rester en contact avec son pays, sa culture, est-ce si facile quand Noël, c’est maillot de bain avec dinde squelettique (aux truffes ?) et Pâques, une inextricable chasse à l’unique œuf en chocolat, à trouver avant qu’il ne soit fondu ?


Maintenir le lien avec l’avant se mêle aussi avec les liens qui jalonnent le pendant, une autre famille avec qui partager les peines et les joies.
Loin des yeux, loin du cœur ? Properce devait être un pessimiste (ou con ou les deux à la fois). La preuve : Ulysse et Penélope (avec qui la truffe partage toujours l’image de la fidélité conjugale et de la vertu).

Maintenir le lien est difficile mais essentiel.
La truffe sème mais récolte beaucoup aussi.
C’est sa façon à elle de tisser la toile…


* citation de Properce (Elégie)