07/03/2013

"Per vedere Stefano" (grazie Léna et Claire)





Tout commence par une journée grise à Turin, propice à la découverte du quadrilatère et de son musée phare le MAO (Musée d’Art Oriental). La visite est enthousiasmante mais contre toute attente, le point d’orgue se révélera au seuil de la librairie. Une aquarelle en couverture d’un livre saisit l’œil. Elle représente une jungle luxuriante, les couleurs sont magnifiques, les détails délicats et d’une incroyable finesse. Au fil des pages de ce carnet de voyage, intitulé « Per vedere l’elephante », le talent de Stefano Faravelli, son auteur, se dévoile et notre admiration grandit à mesure. Cet artiste italien et que nous découvrons turinois, aura de surcroît la courtoisie d’accepter de nous recevoir. (Nous étant caractérisé par la présence d'Irissary et de Claire, auteures de ce témoignage et des Zhappy, oeils éblouis et oreilles attentives).



Un matin de septembre, Stefano Faravelli, nous ouvre donc les portes de sa maison à flan de colline. L’accueil, en français, est chaleureux, comme si nous nous connaissions déjà. Il nous invite à pénétrer dans son atelier. Soudain, nous sommes Alice et il est notre lapin blanc. A sa suite, nous basculons dans un ailleurs, aspirées par la singularité du lieu, l’éclectisme et la beauté des œuvres, la fantasmagorie des objets de ce cabinet de curiosité.



La conversation s’engage. Échanger avec lui est un cadeau précieux. C’est un être rare et passionnant, qui sous une apparence ascétique, cache une immense générosité. Il nous offre sans compter son temps, sa grande culture, sa réflexion de penseur et d’artiste. Il ouvre pour nous sa boîte aux trésors, puis déplie à nos pieds ses carnets de voyage originaux, plus beaux les uns que les autres. Il virevolte d’une œuvre à une « machine extraordinaire », nous explique un détail, une référence, le chemin qui a fait de l’enfant observateur, amoureux de la nature, l’immense artiste reconnu par ses pairs qu’il est aujourd’hui.



Le voyage de Stefano

Issu d’une famille d’artiste, Stefano est un enfant observateur, fasciné depuis son plus jeune  âge par la compréhension des choses. Son œil fut aiguisé dès l’âge de 4 ans par les miniatures persanes qui ornaient les murs de la maison d’enfance, par les premiers voyages familiaux. Doté d’une mémoire visuelle formidable, il emmagasine tout. Son père, architecte et peintre à ses heures, cultive également son imaginaire et ayant détecté un terrain propice, lui offre, alors qu’il n’a que 7 ans, une petite boîte d’aquarelles Lukas (boîte qu’il a conservée jusqu'à ce jour). Ce cadeau donne à l’enfant dyslexique qu’il fut, un précieux moyen d’expression, permit la révélation de son être…

Il avoue pourtant avoir failli se perdre en tentant de se conformer aux canons de l’art moderne, à une époque où art contemporain et art abstrait éclipsaient le figuratif. Mais alors qu’il assiste à une rencontre entre un artiste conceptuel et le philosophe Gianni Vattimo, il s’aperçoit que le philosophe, grâce à la parole, prend toujours l’avantage sur l’artiste. Il pense en lui même : « Si l’art devient pensée, il ne faut alors pas penser à moitié ». Stefano,  abandonne donc l’art par amour de l’art et reprend des études de philosophie morale. Il fréquente « l’Istituto di Orientalistica », étudie l’Arabe et entreprend des voyages au Proche, Moyen et Extrême-Orient.

Il reprend ainsi goût  à « dipingere », à peindre. Et ayant ainsi pris conscience d’avoir mis en péril son mode d’expression singulier, de s’être éloigné de sa perception aigue du sens de l’image, il se recentre de nouveau sur la voie du figuratif. Avec pour guide, la figure tutélaire de Balthus, qui, lui non plus, n’a pas cédé aux sirènes ! Stefano se définit comme un pèlerin…« Quelqu’un qui cherche avec ses moyens », et qui trouve, quelqu’un qui a été sensible à un appel. Au final, les étiquettes : peintre, illustrateur, philosophe, lui importent peu.


Le carnettiste Faravelli

C’est un explorateur de vieux monde, de l’Afrique à l’Asie, entre les 40emes parallèles, berceaux des grandes civilisations, de la religion bouddhiste, hindoue, shintoïste, chrétienne.

Faravelli avance dans la vie, dessinant, notant. Ses trois carnets moleskine ne le quittent pas :
-       Le carnet d’essai d’idées, où il dessine,‘croque’, travaille sa palette, allant jusqu'à immortaliser la carcasse du poisson mangé à l’instant,
-       Le carnet de pensées, où il inscrit ses références bibliographiques, ses réflexions,
-       Le carnet de voyage, le plus abouti, où il dessinera, écrira, in situ et dans l’instant ce qu’il observe, tout son être.



Faravelli a toujours une idée qui lui trotte en tête et ses idées sont des images car il voit en pensée, une semence de l’image. Une fois l’idée jaillie, apprivoisée, les connexions se font naturellement, empruntées à sa culture littéraire et historique ou fruit de ses recherches. C’est ainsi que se révèle LA destination, que se construit la trame DU voyage, jusqu’à constituer peu a peu, et pas à pas, SON voyage.

Pour son prochain voyage, le long des côtes de l’Afrique, qui le mènera du côté de Zanzibar, c’est l’arbre wak wak qui a été le déclencheur. Les graines de cet arbre particulier seraient encore vendues sur les marches de l’île. L’arbre wak wak, dont les branches produisent des fruits aux traits d’animaux, de jolies femmes, et qui tombent au son de wak wak, représente la régénération. C’est un thème iconographique très ancien qui a traversé la Méditerranée pour arriver jusqu’en occident. Il est le prétexte pour réouvrir les mille et une nuits et mettre ses pas dans les voiles de Sinbad. 

Lorsque Faravelli part vraiment, c’est donc que le pays a suffisamment voyagé en lui pour l’appeler. Ses 3 carnets, ses aquarelles et ses pinceaux Winston et Newton (le must en la matière) en poche, il se lance dans le voyage imaginé, minutieusement « pré-vu », en restant néanmoins ouvert au possible, à l’imprégnation, aux rencontres.



Ses voyages l’ont ainsi conduit à la recherche du Rome égyptien (le saviez-vous : il y a plus d’obélisques à Rome qu’en Egypte !), à Bénarès, à Tolède, à Jérusalem, à Alexandrie. En feuilletant ses carnets, nous l’accompagnons également au Mali, dans le cœur antique de la Chine, en Inde et au Japon (ou, bien qu’il juge la modernité terrible, subsistent des îles de beauté absolue, préservées par des esthètes, donnant corps a sa conviction : l’Homme est toujours la clef).

Ses dessins sont toujours d’une finesse remarquable. Ils saisissent l’essence des êtres, des plantes, des animaux. La beauté réside aussi dans la restitution des couleurs, dans chaque détail, collage, clin d’œil. Et pour citer Roland Barthes : «  il sera question de quelques gestes, de quelques nourritures, de quelques poèmes ; il sera question des visages, des yeux et des pinceaux avec quoi tout cela s’écrit, mais ne se peint pas ».

Stefano Faravelli affectionne également les jeux de mots, les émanations, la caricature : « l’ironie, c’est ce qui nous sauve ! ». Il se met donc en scène dans ses illustrations, ses autoportraits métamorphiques. Celui de Sinbad Faravelli, nous l’avons vu, il est magnifique et augure encore d’un sublime ouvrage, lorsque le sponsor de Stefano, le Djin du dessin, aura trouvé le bateau, seul élément manquant encore pour que ce nouveau périple prenne vie.



Notre rencontre avec Stefano Faravelli fait partie des moments précieux de l’existence, ceux que l’on porte avec chaleur en soi.

Chacun de ses carnets est le fruit d’un voyage, de son voyage. Daniel Picouly qui a rédigé la préface du carnet de voyage « le Mali Secret » prévient : « …Jamais vous ne ferez le voyage de Stefano. Mais, grâce à lui, vous ferez le vôtre. C'est mieux, non?". 


Merci Claire et Léna 








Pour en Découvrir plus http://www.stefanofaravelli.it